Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (2024)

Wang Xizhi fit, et fait encore l’objet d’une ferveur quasi religieuse unanimement partagée, particulièrement par les empereurs de la Chine impériale. Il incarna l’image idéale du lettré sachant, par le truchement de son pinceau, exprimer la profondeur de ses sentiments intimes. Il excella dans le style dit courant, xingshu, et dans le style cursif, caoshu.

Un lettré raffiné

L’homme vécut entre 303 et 361 et fit carrière au cours de la dynastie des Jin orientaux (317-420) ; issu d’une famille aristocratique de la province du Shandong, il émigra lorsque la cour dut fuir la Chine du Nord et établir sa nouvelle capitale dans le Sud, à Nanjing. Wang Xizhi obtint le grade de youjun jiangjun (général de l’armée de droite), titre par lequel il est souvent nommé ; il représente le type même du lettré méridional, avide de nature et de liberté, se faisant une règle de ne suivre que son inclination, pratiquant les arts raffinés de la poésie, de la musique et de la calligraphie. Attiré par le bouddhisme, il fut surtout un adepte de la secte taoïste du Maître céleste, Tianshi dao, comme le prouve aussi la syllabe « zhi » de son nom.
Il dut sa formation calligraphique première à une femme, Dame Wei, nommée aussi Épouse Li, cousine du célèbre calligraphe Wei Heng, de l’époque des Jin, qui avait lui-même suivi l’enseignement de Zhong You, autre maître réputé.

Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (1)

Lantingxu

Préface au Pavillon des orchidées

Ce texte célèbre se divise en deux parties : la première évoque la beauté radieuse d’une journée entre amis : « ce jour-là, le ciel était clair et l’air pur, un vent doux soufflait paisiblement. Levant la tête, on contemplait l’immensité de l’univers, se baissant, on examinait l’abondance des variétés et des espèces et ce qui faisait courir les yeux et errer les sens suffisait pour porter à l’extrême la joie de voir et d’entendre. Vraiment on pouvait y prendre du plaisir ».

La deuxième partie suggère avec mélancolie le caractère éphémère de l’existence. « Mais lorsque ce vers quoi les hommes tendaient les fatigue déjà, le sentiment, suivant les événements change et la déception le suit. Ce qui nous plaisait auparavant en un clin d’œil n’est plus qu’un vestige, qu’une trace [...] Comment ne serait-ce pas douloureux ! »

L’œuvre s’imposa comme un modèle ultime et sa fascination n’a cessé de s’exercer au cours des mille-six-cent-cinquante dernières années. Chaque caractère fut attentivement scruté dans son moindre détail par d’innombrables générations de calligraphes. Le style fut apprécié pour la liberté sans contrainte avec laquelle Wang mania ce soir-là son pinceau, faisant jaillir sur le papier tous les élans de son cœur.

Ce texte permet d’évoquer la passion calligraphique qu’éprouva l’empereur Tang Taizong pour les œuvres de Wang Xizhi. D’aucuns ont trouvé cet engouement étrange et certainement assez contradictoire avec la personnalité ou les intérêts de l’empereur. En effet, la Préface fut son œuvre favorite qu’il imposa comme un standard absolu, alors qu’elle faisait l’éloge de la liberté que le lettré goûtait entre amis dans la nature, bien loin des charges officielles de la cour. La présente copie de la Préface au Pavillon des orchidées ne peut être antérieure à la fin du 8e siècle.

La calligraphie sans être véritablement maladroite, est loin d’être exceptionnelle. Elle offre l’intérêt d’un témoignage sur une pratique éducative largement répandue, dont l’archéologie n’a conservé que peu de traces originales. La pièce pourrait n’avoir été transcrite que pour son contenu, destinée peut-être à être apprise par cœur comme une poésie, indépendamment de sa valeur calligraphique ; à moins que cette copie de copie, d’un quidam vivant au cours de la dynastie des Tang, ne montre combien l’accès aux belles copies et aux véritables modèles de l’œuvre était restreint - bien que largement diffusés par la cour, ils n’atteignaient pas les couches ordinaires de la population.

Modèle de calligraphie copié et recopié à d’innombrables exemplaires au cours des générations, la Préface originelle est perdue depuis longtemps, peut-être emportée dans sa tombe par l’empereur Tang Taizong. S’attaquant à ce monument si vénéré des calligraphes, symbole pluriséculaire et tabou, œuvre éminemment symbolique du passé, Guo Moruo (1892-1978) mena à partir de 1965 une offensive destinée à renverser cette icône incarnant les valeurs traditionnelles, dans un mouvement précurseur de la « grande révolution culturelle ». Soutenu par un certain nombre de partisans iconoclastes, il mit en doute l’authenticité de l’auteur du texte, allant même jusqu’à l’attribuer pour moitié à un lettré postérieur, niant ainsi le chef-d’œuvre calligraphique de Wang Xizhi.

La Préface est l’exemple le plus pur d’une écriture modérément cursive, xingshu, que l’on peut traduire par « courante », dans tous les sens du terme. Cette écriture ordinaire est une forme plus rapide et plus déliée que la régulière kaishu mais reste d’une grande lisibilité. Elle est notamment employée dans la correspondance.

Accéder à la notice de l'image

© Bibliothèque nationale de France

Une renommée exceptionnelle

Wang Xizhi n’est pas le seul maître dont on ait conservé le souvenir au cours de cette époque où la calligraphie était une activité culturelle de premier plan. Sans doute resté le plus populaire, il demeure une figure patriarcale. Son style se généralisa et s’imposa comme un standard après la réunification de l’Empire chinois à partir de la fin du 6e siècle.
Wang Xizhi connut la gloire de son vivant, ses œuvres entrant simultanément dans les collections impériales et dans la légende. Il était déjà fidèlement copié par ses contemporains. La demande pour ses œuvres s’intensifia dans les décennies qui suivirent sa mort et les copies ainsi que les faux commencèrent à circuler.

Un style imposé comme standard

Loin de sombrer dans l’oubli après sa mort, l’œuvre de ce dernier continua d’être appréciée au sud de la Chine pendant deux siècles. Sous les Tang, son renom atteignit le Nord et s’imposa comme référence à tous les lettrés de l’Empire. Sa célébrité fut renforcée par son plus ardent admirateur, l’empereur Tang Taizong (r. 627-649), lui-même excellent calligraphe, pour qui Wang Xizhi représentait la quintessence de cet art. À partir de son règne, le style du maître fut imposé comme standard esthétique inégalé. L’empereur amassa une collection d’originaux de Wang d’une ampleur exceptionnelle : il commanda aussi aux meilleurs pinceaux de la cour un nombre important de doubles qui furent distribués comme modèles. L’un des ministres impériaux était le calligraphe Chu Suiliang (596-658), occupant la fonction d’expert des œuvres de Wang, réputé pour son discernement infaillible, il compila le premier grand catalogue comprenant deux-cent soixante-six calligraphies pouvant lui être attribuées.

Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (2)

L’inscription de la source chaude

L’empereur Tang Taizong, lui-même calligraphe plein de talent, fut un fervent admirateur de Wang Xizhi. Il l’imposa comme critère absolu de l’esthétique calligraphique et contribua largement à la diffusion de recueils de modèles. Sans doute la calligraphie représentait-elle pour l’empereur un moyen symbolique d’unification nationale (Wang Xizhi, en effet, incarnait la tradition culturelle aristocratique du Sud et Taizong était empereur du nord de la Chine). En 628, il créa une école de calligraphie placée sous la direction de l’Université impériale du Guozijian, et c’est à partir de son règne que furent établies les fonctions de calligraphe et de docteur en calligraphie. Dès lors, la calligraphie constitua l’une des catégories des concours de recrutement aux postes de fonctionnaire, et la maîtrise calligraphique devint un moyen de faire carrière.

Le 15 février 648, Tang Taizong, alors âgé de 49 ans, se rendit à la source chaude d’un parc impérial situé non loin de la capitale Chang’an et il composa à cette occasion L’Inscription de la source chaude, qu’il calligraphia lui-même de son pinceau puis la fit graver sur une stèle aujourd’hui disparue à proximité d’un puits. L’empereur souffrant de paralysie y exalte les bienfaits que lui procuraient ces eaux, qui seules avaient le pouvoir de calmer ses douleurs et dont il sortait apaisé et rajeuni.
Il devait cependant mourir l’année suivante et c’est peut-être avec l’intuition de sa fin prochaine qu’il en écrivit les derniers vers : « le monde humain a une fin, l’eau vertueuse coule, inépuisable ». La dernière colonne du rouleau porte la note du mois de septembre 653 et cette date permet d’affirmer que ce rouleau est le plus ancien spécimen d’estampage connu à ce jour. Celui-ci a été retrouvé avec d’autres spécimens calligraphiques dans la grotte n° 17 de Dunhuang où il dut servir de modèle : en effet, le texte de la stèle, une fois estampé, a été découpé en languettes et remonté en courtes colonnes sur un rouleau de papier dont le format facilitait la consultation.Le procédé de l’estampage fut aussi largement répandu pour diffuser les dessins de peintres : en effet, le blanc, le gris et le noir convenaient mieux au lettré que l’usage tapageur de la couleur. Il permettait ainsi de ne retenir du dessin gravé en creux que l’essentiel, à savoir l’épure du trait.

Malgré la passion de l’empereur pour Wang Xizhi, sa calligraphie révèle plus d’affinités avec le style, non du prince des calligraphes, mais de son fils Wang Xianzhi, lui aussi très talentueux.

Accéder à la notice de l'image

© Bibliothèque nationale de France

Un succès paradoxal

Le succès de l’œuvre de Wang Xizhi est très paradoxal. Le style de ce fin lettré épanchant ses sentiments les plus fugaces à la pointe de son pinceau devint un étalon catalogué, étatisé, copié et recopié de la manière la plus servile. Cet homme épris de liberté qui était d’obédience taoïste fut vénéré et imité des lettrés confucéens et des fonctionnaires d’État. Mais, comme le remarque très justement Hsiung Ping-ming : « Finalement les caractères de Wang Xizhi reflètent-ils l’esprit taoïste ou l’esprit confucéen ? […] le coup de pinceau de Wang est comme la théorie de la bonté de l’homme dont parle Meng zi ou la philosophie de la nature évoquée par Zhuang Zhou : de quelque point de vue que l’on en discute, c’est toujours aussi parfait […]. La calligraphie de Wang ne peut donc être limitée à la théorie d’une seule pensée ». Il ne se trouve guère de critiques à cet artiste universellement admiré.
Le second paradoxe concernant Wang Xizhi est qu’aucune œuvre du maître n’est parvenue jusqu’à nous. Nous ne disposons que de copies, voire de copies de copies, ou de gravures d’après copies, ou encore de montages d’œuvres qu’il ne composa jamais, pièces cependant très précieusement transmises entre générations. Une grande partie du mythe de Wang Xizhi repose sur la filiation et la transmission.

Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (3)

Préface des saints enseignements

Accéder à la notice de l'image

© Bibliothèque nationale de France

Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (4)

Essai en mille caractères

En graphies régulière et cursive

Véritable manuel scolaire pour l’apprentissage du vocabulaire, de la calligraphie, des notions culturelles fondamentales, l’Essai en mille caractères a constitué la base de l’éducation primaire pour d’innombrables générations. Il regroupe mille mots tous différents par phrases de quatre caractères formant un texte rimé.

On dit que l’empereur Liang Wudi (qui régna de 502 à 549) avait constitué à partir de plusieurs œuvres de Wang Xizhi un répertoire de mille caractères. À sa demande, cet ensemble purement graphique aurait été combiné par Zhou Xingsi pour constituer un texte intelligible évoquant tous les domaines de l’éducation.

Paul Pelliot rapporte en 1926 un texte chinois du 11e siècle évoquant la création des mille mots, selon lequel l’empereur Liang Wudi aurait ordonné à Yin Tieshi de « calquer dans les autographes du grand Wang mille caractères différents, chaque caractère étant sur un morceau de papier, tous mêlés et sans ordre ». Puis il aurait appelé le calligraphe Zhou Xingsi, descendant de l’illustre Wang Xizhi, et lui aurait dit :

« Mettez-moi ces caractères en vers. Xingsi les rangea en ordre en un soir et les soumit au trône. Les cheveux de ses tempes étaient devenus tout blancs [...]. Le descendant de Wang Xizhi copia de sa main huit-cent exemplaires du texte et les répandit dans le monde. Il laissa un exemplaire dans chaque temple du sud du fleuve [Bleu]. »

Le rouleau ici présenté est incomplet, il ne conserve que les cent soixante-dix derniers caractères du texte constitué de courtes phrases édifiantes comme : « un fils légitime succède à ses parents et continue leur lignée. Il offre des sacrifices à ses ancêtres ; il en offre d’autres en automne et en hiver [...]. » Les colonnes de caractères en style régulier (dit zhenshu, équivalant au kaishu) alternent avec des colonnes répétant les mêmes caractères en style cursif aux traits abrégés et resserrés, mêlant points courts et longs tracés sinueux compactant plusieurs éléments. L’habitude d’écrire un même texte en plusieurs styles calligraphiques dans un but pédagogique est une vieille tradition chinoise, attestée dès le 3e siècle.

Accéder à la notice de l'image

© Bibliothèque nationale de France

Une légende : la Préface au Pavillon des Orchidées

Album Le Pavillon des Orchidées Découvrir

L’empereur Taizong, de la dynastie des Tang, exigea que toutes les calligraphies autographes connues de Wang Xizhi soient réunies dans ses collections privées. Il instaura une sorte de monopole d’État sur ces œuvres et ceux qui en possédaient étaient contraints de les offrir ou de les dissimuler avec soin. Malgré sa quête à travers l’Empire, le plus célèbre des écrits échappait encore à l’empereur, le Lantingxu, la Préface au Pavillon des orchidées. Un mythe entoure sa récupération ainsi que sa disparition définitive. Ce document tant convoité, qui faisait cruellement défaut à la collection impériale, fut obtenu par un subterfuge : au 6e siècle, le texte était conservé par le moine Zhi Yong, descendant à la septième génération du maître qui, en mourant, le légua à son disciple. Ce dernier le dissimula derrière une poutre de sa maison et malgré les ordres impériaux feignit l’ignorance. L’empereur envoya un habile émissaire qui gagna jour après jour la confiance du moine, alors âgé de quatre-vingts ans, jusqu’à ce que, trompé dans sa vigilance, le possesseur exhibe son précieux rouleau. Profitant de son absence, l’émissaire impérial le déroba et le rapporta à l’empereur qui le récompensa largement ; le moine abusé ne survécut pas à cette perte irréparable.

Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (5)

Estampage d'une gravure sur pierre représentant la réunion au Pavillon des orchidées

Quarante et un lettrés se réunirent autour de Wang Xizhi lors de la fête de la Purification pour composer des poésies. À l’issue de la joute poétique, Wang se saisit de son pinceau et, pris d’une inspiration soudaine, composa d’un seul élan sa célèbre Préface à l’anthologie qui devait réunir l’ensemble des compositions. C’est cet instant fameux qui est saisi dans la scène d’ouverture du rouleau et il n’est pas anodin que celui-ci s’ouvre par cet épisode final, le plus signifiant de l’événement. Ces lettrés grands buveurs, épanchant leurs sentiments personnels à travers la poésie ou la musique, recherchant la solitude ou la compagnie d’amis plutôt qu’une carrière officielle, créèrent un idéal qui joua un grand rôle dans l’imaginaire chinois.

Accéder à la notice de l'image

© Bibliothèque nationale de France

Des copies de copies

La Préface disparut à nouveau. On raconte que cet original aurait été enterré dans le tombeau impérial. Entre-temps, Tang Taizong l’avait fait copier par les plus grands calligraphes de l’Empire. Il n’est pas certain, mais d’aucun l’affirment, que l’empereur le fit aussi graver sur pierre. La meilleure copie est la version dite Dingwu, issue d’une gravure sur pierre retrouvée au 11e siècle. Les nombreuses répliques qui circulèrent depuis le règne de Taizong furent à leur tour imitées : ainsi, un collectionneur du 13e siècle pouvait-il se vanter d’en posséder cent dix-sept copies.

Œuvre la plus célèbre, cette Préface rapporte qu’au soir d’une journée de loisir où une fine bande d’amis lettrés s’était livrée, au milieu d’un jardin idyllique, aux joies de la composition poétique, Wang voulut en immortaliser le souvenir en réunissant l’ensemble des poèmes. Sous l’effet de l’inspiration qui jaillit en cet instant privilégié, il composa la préface à l’anthologie. Jamais auparavant, semble-t-il, une telle adéquation entre les émotions personnelles et le style d’écriture ne s’était si parfaitement exprimée. Quant aux autres calligraphies du maître, il s’agit souvent de sa correspondance privée, genres épistolaire et calligraphique qui permettent de partager son intimité.

Un modèle inépuisable

L’empereur Taizong (939-997, r. 976), de la dynastie des Song du Nord, fut à l’origine d’un grand recueil de calligraphies gravées sur pierre et tirées en estampages, le Chunhua bige fatie, achevé en 992, constitué pour moitié de calligraphies de Wang Xizhi – dont cent soixante lettres – et de son fils Xianzhi. Par ce biais, la domination des Wang, encouragée par l’autorité impériale, continua à s’exercer sur le monde calligraphique. Le peintre et calligraphe Zhao Mengfu (1254-1322) rapporta que sous les Song du Nord tous les lettrés possédaient une copie de la Préface et que si elle venait à leur manquer, les collectionneurs n’hésitaient pas à la faire regraver. Ainsi se multiplièrent les versions d’inégale qualité. On raconte que l’empereur Gaozong (1107-1187, r. 1127-1162), de la dynastie des Song du Sud, qui supervisait étroitement l’apprentissage calligraphique de son fils, le futur empereur Xiaozong, lui aurait donné une copie de sa main de la Préface avec l’instruction de la recopier cinq cents fois. Lui-même pratiqua quotidiennement la calligraphie pendant un demi-siècle et considérait le Lantingxu comme un modèle inépuisable.
Les exemples de copies calligraphiques à usage religieux retrouvées à Dunhuang abondaient. Avec Wang Xizhi s’impose la copie à usage esthétique, sa Préface au Pavillon des orchidées a sans doute été l’un des textes le plus souvent copiés au monde.

Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (6)

Sûtra du diamant

Ce rouleau complet de plus de onze mètres contient quatre-cent soixante-huit colonnes du texte du Sûtra du diamant traduit par Kumarajiva qui connut un engouement aux 9e et 10e siècles. Calligraphié par l’un des artistes les plus réputés de son temps, Liu Gongquan (778-865), il fut gravé le 8 mai 824 au monastère Ximing de la capitale Chang’an. Il s’agit d’un splendide estampage, exemplaire unique, probablement monté en rouleau au cours du 9e siècle. Le montage des douze feuilles estampées sur papier fin se conforme au format original des dalles, avec leur numérotation et leur filet d’encadrement. La mise en page rigoureuse respecte un nombre de caractères constant par colonne. Cette pièce démontre sans ambiguïté que, dans le premier quart du 9e siècle, les pierres servaient de matrices d’impression aux modèles calligraphiques.

Cette œuvre rapporte sans doute la calligraphie originale de Liu Gongquan avec la plus grande exactitude. Liu Gongquan fut non seulement l’un des plus éminents calligraphes de la dynastie des Tang mais son prestige est demeuré intact jusqu’à nos jours. Son style fut adopté durablement comme standard calligraphique du livre imprimé.

L’œuvre, calligraphiée en pleine maturité - Liu était alors âgé de quarante-sept ans -, présente des caractères d’une structure assez compacte, très réguliers et délicats, empreints de simplicité, d’honnêteté mais aussi d’une fermeté qui révèle une énergie intérieure. Ses traits horizontaux ou verticaux, parfois très allongés, communiquent un sentiment de droiture. Certains caractères conservent une caractéristique notée chez Wang Xizhi, qui consiste à resserrer la partie gauche du caractère et à accorder plus d’espace à la partie droite. Dans l’ensemble, son écriture se caractérise par un grand équilibre qui ne verse dans aucune exagération.
Monté en rouleau, cet estampage était destiné à servir de modèle, plus particulièrement auprès des bouddhistes. On est en droit de penser qu’en raison de la notoriété de Liu, il s’agissait d’une pièce assez coûteuse et qu’elle put, à ce titre, figurer dans le trésor d’un particulier ou d’un temple.

Accéder à la notice de l'image

Bibliothèque nationale de France

Wang Xizhi, prince des calligraphes | BnF Essentiels (2024)
Top Articles
Latest Posts
Recommended Articles
Article information

Author: Catherine Tremblay

Last Updated:

Views: 5868

Rating: 4.7 / 5 (47 voted)

Reviews: 86% of readers found this page helpful

Author information

Name: Catherine Tremblay

Birthday: 1999-09-23

Address: Suite 461 73643 Sherril Loaf, Dickinsonland, AZ 47941-2379

Phone: +2678139151039

Job: International Administration Supervisor

Hobby: Dowsing, Snowboarding, Rowing, Beekeeping, Calligraphy, Shooting, Air sports

Introduction: My name is Catherine Tremblay, I am a precious, perfect, tasty, enthusiastic, inexpensive, vast, kind person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.